TROISIÈME PARTIE
LE GRAISSAGE

CHAPITRE I
LUBRIFICATION ET LUBRIFIANTS

But du graissage. - Le graissage a pour but :

  1. de prolonger la durée de service des organes en mouvement en réduisant leur usure,
  2. d'augmenter le rendement des machines en diminuant le frottement des pièces soumises à des mouvements de glissement alternatifs, à des mouvements continus rotatifs ou à des mouvements oscillants,
  3. d'éviter le danger de grippement des pièces mobiles,
  4. de réduire au minimum réchauffement des pièces en contact,
  5. de favoriser la dissipation par rayonnement de la chaleur apportée par le frottement que l'on ne peut pratiquement supprimer complètement. La chaleur se dissipe à travers la couche d'huile vers les surfaces portantes métalliques.

La lubrification doit être étudiée d'un double point de vue :

  1. celui du choix du lubrifiant le mieux approprié au cas particulier du graissage envisagé ;
  2. celui du choix du dispositif ou de l'appareil de graissage.

I. - CHOIX DU LUBRIFIANT

1. Théorie de la lubrification.

Pour réduire au minimum le frottement entre les organes en mouvement, on interpose entre les surfaces métalliques une mince couche d'huile. On tend à remplacer ainsi le frottement direct des métaux entre eux par un frottement qui, dans le cas du graissage parfait, se produit uniquement au sein même de la couche d'huile interposée.

Lois du frottement.

A) Frottement sec. - En l'absence de tout graissage, il y a frottement direct des métaux l'un sur l'autre, c'est un frottement sec. Il donne lieu à une forte usure et il y a danger de grippement au cours duquel les deux surfaces métalliques mordent l'une sur l'autre.

Nous avons vu, page 66, que le coefficient de frottement dans deux cas, cités à titre d'exemple, variait de 0,12 à 0,35.

B) Frottement fluide (ou hydrodynamique). - Lorsque le graissage est parfait, la couche d'huile, quoique très mince, n'est à aucun endroit interrompue et sépare d'une manière permanente les surfaces métalliques sur toute leur étendue. Il s'ensuit que l'usure de ces surfaces est extrêmement faible ; théoriquement, elle est nulle.

Dans le cas du graissage parfait, le frottement interne au sein du lubrifiant lui-même n'est plus produit que par la résistance au déplacement des molécules fluides l'une sur l'autre, d'où son nom de frottement fluide.

La pellicule d'huile qui sépare les surfaces métalliques, constitue ce qu'il est convenu d'appeler le film d'huile.

En régime fluide, une très mince pellicule d'huile adhère au palier et reste fixe, une couche d'huile adhère de même à l'arbre et tourne avec lui ; entre les deux, les couches intermédiaires glissent les unes sur les autres comme des feuillets.

C) Frottement demi-sec ou onctueux. - Si la viscosité de l'huile est insuffisante ou si la fluidité de l'huile est excessive, le film d'huile, devenant trop mince, se rompt par endroits ou même est complètement expulsé et le graissage devient incomplet, le frottement, au lieu d'être fluide, est un frottement demi-sec.

Les surfaces frottantes sont par endroits en contact direct l'une avec l'autre, d'où commencement d'usure. C'est pourquoi, en régime onctueux, la question du rodage est capitale.

Remarquons que le frottement demi-sec ou onctueux peut se produire avec une lubrification suffisante si la forme donnée aux surfaces frottantes est défectueuse.

En régime fluide, le frottement est influencé à la fois par la viscosité de l'huile, par la vitesse relative des organes en mouvement et par la pression qui s'exerce entre les surfaces frottantes. L'expérience montre qua l'influence globale de ces trois facteurs peut se traduire en une expression telle que :

(A)

Si nous voulons exprimer graphiquement comment varie le coefficient de frottement, compte tenu de cette triple influence, nous porterons horizontalement (fig. 528) les valeurs successivement croissantes du terme et, verticalement, le coefficient de frottement qui correspond à ces valeurs. Nous obtiendrons une courbe de la forme a b c d e (fig. 528 et 529).

Fig. 528. - Courbe du coefficient de frottement dans le cas d'un coussinet en métal blanc de 137 mm de longueur.

La courbe de la figure 528 est relative à un coussinet en métal blanc de 137 mm de long ; la courbe de la figure 529 se rapporte à un coussinet en bronze de 230 mm de long (note 429).

Fig. 529. - Courbe du coefficient de frottement dans le cas d'un coussinet en bronze de 230 mm de longueur.

A la mise en mouvement (zone o a'), l'expérience montre que le coefficient de frottement est très élevé et égal, par exemple, à a' a.

L'on se rend compte de la grandeur du frottement au départ lorsque l'on tourne un volant calé sur uni arbre de transmission tournant entre deux paliers. Au début du mouvement, l'effort à déployer est tel que l'on doit saisir le volant des deux mains. Après un ou deux tours, la manœuvre du volant devient déjà plus aisée, le frottement diminuant. Après quelques tours, le frottement s'établit à sa valeur de régime et le volant se manœuvre presque sans effort.

Reprenons la courbe a b c d e et voyons ce qui s'est passé.

La zone a correspond au frottement sec ;

la zone b au frottement onctueux ou demi-sec ; ici, la valeur moyenne du coefficient de frottement (b' b par exemple) est déjà fortement réduite, tout en restant élevée. L'usure du coussinet est sensible et il y a danger de grippement du coussinet.

la zone d correspond au frottement fluide pour lequel le graissage est parfait, le régime est établi ; le coefficient de frottement est égal à d'd, mais au fur et à mesure que la vitesse augmentera, le coefficient de frottement augmentera aussi, mais très faiblement (zone d e).

1) Zone de frottement sec. - Dans cette zone, le frottement est le frottement de glissement dont nous avons parlé page 66 et le coefficient de frottement f est égal à

p étant la force de frottement et P la pression qui s'exerce entre les pièces en contact. On diminue ce coefficient de frottement en choisissant les meilleurs alliages antifriction et en usinant parfaitement leur surface.

Il est inévitable que, dans cette zone, de petites particules de métal superficiel soient arrachées aux surfaces en mouvement, ce qui provoque l'usure d'abord et ensuite le grippement.

2) Zone de frottement onctueux. - Dans cette zone b, ce qui détermine la valeur du coefficient de frottement, c'est d'une part et essentiellement, la viscosité de l'huile et, d'autre part, son onctuosité, c'est-à-dire l'énergie plus ou moins grande avec laquelle les molécules de la dernière couche d'huile adhèrent ou s'agrippent aux surfaces à graisser.

L'onctuosité varie avec la composition chimique du lubrifiant et notamment avec l'orientation que peuvent prendre certains groupements moléculaires vis-à-vis des surfaces à graisser.

3) Zone de frottement fluide ou de frottement hydrodynamique. - C'est la zone c e du graissage parfait.

La valeur minimum du coefficient de frottement (c'c) dépend de la forme des pièces en contact, de leur usinage plus ou moins parfait et de la nature du métal utilisé.

Lorsque le régime de température du palier est établi, le coefficient de frottement est plus élevé que le coefficient minimum c c'. Si le régime s'établissait en c c', il suffirait de peu de chose pour retomber dans la zone b du graissage onctueux, c'est pourquoi il faut une marge de sécurité. Le régime doit s'établir à droite de c c', assez loin pour ne pas risquer de retomber dans le graissage onctueux, pas trop loin pour que l'accroissement de la vitesse ne fasse pas augmenter le coefficient de frottement et ne fasse, de ce chef, augmenter la température.

Le long de la branche c e de la courbe, les surfaces frottantes sont complètement séparées par un film d'huile.

Le frottement à vaincre provient ici uniquement de la viscosité de l'huile, c'est-à-dire du frottement entre les molécules d'huile qu'il faut déplacer les unes par rapport aux autres.

La force nécessaire pour vaincre cette résistance interne augmente avec la viscosité des huiles.

Dans cette zone c e, l'onctuosité de l'huile, sa composition chimique, la nature des surfaces frottantes n'exercent aucune influence sur la valeur du coefficient de frottement.

Enfin, puisque, grâce à la présence du film continu d'huile, les pièces en mouvement ne se touchent jamais, l'usure de celles-ci est, théoriquement, nulle.

Pour donner une idée de la faible valeur du coefficient de frottement en régime hydrodynamique, disons qu'avec une huile de machine ordinaire employée au graissage d'un palier dans les conditions suivantes :

on a trouvé :

f = 0,005 à 0,006 (note 431)

L'examen de la courbe a b c d e (fig. 528) et de la formule (A) (page 428) permet de tirer quelques conclusions quant à la viscosité :

  1. Puisque la viscosité est caractérisée par le frottement interne de l'huile, une huile trop visqueuse accroît inutilement le travail de frottement.
  2. Une huile trop fluide (insuffisamment visqueuse) ne résiste pas aux pressions qu'elle subit, le film d'huile se rompt et le graissage devient onctueux ou même sec.
  3. Il faut choisir la viscosité du lubrifiant de manière que le coefficient de frottement se situe à droite du point c mais sans exagération.
  4. Une température anormalement élevée des pièces en mouvement peut être due :
    1. à une viscosité exagérée du film d'huile, le travail de frottement interne développant de la chaleur ;
    2. à une viscosité insuffisante du film qui se rompt par endroits, le travail du frottement sec à ces endroits dégage plus de chaleur.
  5. La température des films d'huile varie toujours en service selon les fluctuations de la température ambiante.

Or, la viscosité de tout lubrifiant diminue lorsque la température s'élève, mais pas dans la même mesure pour les différentes huiles.

Un lubrifiant doit posséder la viscosité adéquate à la température de régime et il faut que cette viscosité soit, le moins possible, sujette à varier selon les fluctuations de la température ambiante ou celle des organes lubrifiés.

La modification de la viscosité avec la température a conduit à introduire la notion de l'«indice de viscosité».

En pratique, par convention, certaines huiles du Texas et de Californie ont l'indice de viscosité : zéro, tandis que les meilleures huiles de Pennsylvanie ont l'indice 100.

Qualités techniques requises d'un lubrifiant.

1°) Une bonne onctuosité. L'onctuosité, c'est la propriété d'adhérer aux surfaces à graisser en formant une pellicule résistante.

L'ajoute de certains corps pro-onctueux améliore sensiblement les huiles à cet égard.

2°) Une viscosité appropriée au graissage envisagé.

Celte viscosité doit varier aussi faiblement que possible avec la température.

A charge unitaire égale, la viscosité peut être moindre lorsque la vitesse des organes à graisser est plus élevée.

A vitesse égale, la viscosité doit croître avec la pression par unité de surface supportée par les organes en mouvement.

3°) Corrosivité nulle. - L'huile ne peut être acide. Une huile acide attaquerait plus ou moins rapidement les métaux anti-friction.

A l'heure présente, on ajoute aux huiles des produits supprimant la corrosion.

4°) Stabilité suffisante en cours du service. - L'huile ne doit pas perdre ses qualités au cours de son service.

Par exemple, l'huile de graissage destinée au graissage des fusées d'essieux des wagons, voilures et locomotives, ne peut s'acidifier en cours de service.

Elle ne peut non plus s'oxyder ni donner naissance, par transformation interne, à des composés résineux ou asphaltiques toujours nuisibles.

Enfin, par les grands froids, cette huile ne peut se figer, sinon le graissage serait interrompu.

5°) Capillarité. - Là où le graissage des boites à huile s'effectue au packing ou au moyen de tampons graisseurs à mèches de laine, il convient que l'huile possède les qualités requises pour pouvoir s'élever par capillarité dans les mèches de laine ou dans le packing, composé lui-même de laine, de crin et de coton.

C'est pourquoi toutes les huiles doivent être soumises à un essai de siphonage au travers de mèches de laine.

Pour qu'une huile s'élève bien par capillarité, elle doit être exempte d'eau, d'asphalte, de paraffines, de résines du pétrole et de matières étrangères.

2. - LES LUBRIFIANTS

Actuellement, comme lubrifiants, les chemins de fer belges utilisent des huiles minérales extraites du pétrole brut et des graisses consistantes.

L'usage des huiles végétales (huile de colza) et animales (suif, huile de lard, huile de pied de bœuf) est pratiquement abandonné.

La matière première des huiles de graissage est le pétrole brut.

Pétrole brut.

Gisement. - Le pétrole brut est particulièrement abondant aux Etats-Unis, au Venezuela, en Russie, en Roumanie, en Irak et en Iran.

Propriétés physiques. - Le pétrole brut est un liquide de composition et d'aspect variables.

Sa couleur varie de l'ambre clair au noir. Le plus souvent, il est brun-verdâtre et toujours fluorescent par réflexion.

Son odeur désagréable est due à la présence de composés sulfurés.

Sa densité est comprise entre 0,820 et 0,970, elle est en relation avec sa composition chimique et avec sa viscosité.

Composition chimique des pétroles bruts. - Les pétroles bruts sont des combinaisons de carbone et d'hydrogène, connues sous le nom d'«hydrocarbures».

Un même pétrole brut est composé de plusieurs espèces d'hydrocarbures :

  1. des hydrocarbures paraffiniques, riches en paraffine et pauvres en asphalte. Ce sont les pétroles bruts de la meilleure qualité (Pennsylvanie).
  2. des hydrocarbures naphténiques, pauvres en paraffine (Bakou).
  3. des hydrocarbures aromatiques en quantités moindres que les précédents. On les rencontre en grande quantité cependant dans les pétroles bruts de Bornéo.

A côté des hydrocarbures, tout pétrole brut contient, en proportions variables, mais généralement faibles, des résines, des asphaltes, des acides naphténiques.

Une haute teneur en asphalte caractérise les pétroles bruts eu provenance de Californie, du Texas, du Mexique. Aussi les dénomme-t-on souvent «bruts asphaltiques».

Traitement du pétrole brut. - Lorsque nous avons examiné, page 57, le chauffage à l'huile lourde, nous avons déjà énuméré les produits principaux que l'on extrait du pétrole brut par la distillation fractionnée : essences, huiles d'éclairage, gaz oil, fuel oil. Nous nous sommes arrêtés au fuel oil, parce que, à ce moment, nous n'envisagions que les huiles devant servir de combustible.

Les bruts servant à la préparation des huiles combustibles n'ont pas les qualités requises pour la fabrication des lubrifiants : ils sont, généralement, trop asphaltiques ou trop instables. Lorsque le brut est de bonne qualité, c'est-à-dire pauvre en asphalte et qu'il renferme des hydrocarbures stables adéquats, la distillation donne après le gas oil, des huiles spindle ou huiles à broches (métiers à tisser), puis des huiles pour moteurs et le résidu de distillation est la matière première pour la fabrication des cylindrines.

3. - Huiles de graissage pour locomotives.

Les lubrifiants industriels appartiennent aux cinq classes suivantes :

A. - Huiles minérales extraites du pétrole brut.

B. - Graisses consistantes.

C. - Huiles végétales.

D. - Huiles minérales extraites du goudron de houille.

E. - Huiles et graisses animales.

Pour le graissage des locomotives, l'on n'utilise plus que deux sortes de lubrifiants :

  1. l'huile minérale pour le graissage des pièces du mécanisme et pour les fusées d'essieux ;
  2. l'huile cylindrine pour le graissage des distributeurs et des cylindres à vapeur.

Selon le cas, l'on utilise des huiles cylindrines à vapeur saturée, des huiles cylindrines à surchauffe moyenne (jusque 350° C), des huiles cylindrines à haute surchauffe (au-delà de 350° C).

A. - Huiles minérales extraites du pétrole brut.

A) Huiles minérales de graissage pour les pièces du mouvement et pour les fusées d'essieux.

On utilise une huile minérale pure extraite de pétroles bruts pauvres en asphaltes, mais qui ne se prêtent pas à la fabrication d'huiles pour moteurs et de cylindrines, tout en étant de trop bonne qualité pour servir d'huile combustible (fuel oil).

Ces huiles doivent présenter les caractéristiques suivantes :

1) Asphalte dur. - L'huile doit être sensiblement exempte d'asphalte dur. En effet, l'asphalte a des propriétés opposées à celles d'un lubrifiant. Il diminue rapidement la capillarité des fibres de laine des tampons graisseurs ou du packing.

2) Eau. - L'huile ne peut contenir d'eau, car les fibres s'imbibent plus facilement d'eau que d'huile. Une fois que le packing ou les mèches sont imbibés d'eau, l'huile ne passe plus et pratiquement, le graissage est supprimé.

Beaucoup d'incidents de graissage sont dûs à l'introduction accidentelle d'eau dans des boîtes à huile non étanches.

3) Congélation. - L'huile ne doit pas se figer aux plus basses températures hivernales.

L'huile doit encore couler à 15° sous zéro.

Lorsque l'huile est figée au moment du démarrage, il se produit une usure anormale des métaux antifriction ; en outre, l'effort au démarrage est augmenté. Le graissage ne reprend alors normalement que, lorsque, par suite de la hausse de la température provoquée par le mouvement, l'huile redevient suffisamment fluide pour pouvoir s'élever par capillarité dans les mèches en laine ou dans le packing.

4) Viscosité. - Les huiles actuellement utilisées ont une viscosité de 10° Engler à la température de 50° C.

A viscosité égale à 50° C, on donne la préférence à l'huile qui possède la meilleure courbe de viscosité, c'est-à-dire à l'huile qui est la plus fluide à froid et la plus visqueuse à chaud.

La résistance à vaincre pour démarrer un train est sensiblement moindre avec une huile fluide à froid qu'avec une huile visqueuse et, naturellement, qu'avec une huile figée par le froid.

La viscosité à adopter dépend d'abord de la charge supportée par unité de surface et, ensuite, de la température de régime de la boîte à huile.

Plus la viscosité est élevée, plus grande est la résistance au déplacement des feuillets du film d'huile.

Si la viscosité est trop faible, le film d'huile se rompt, l'huile étant expulsée d'entre les surfaces frottantes par suite de la charge appliquée.

5) Pouvoir mouillant. - L'huile doit posséder, outre la viscosité requise, l'aptitude à s'étendre rapidement et uniformément entre les surfaces à graisser. Cette propriété dépend du pouvoir mouillant de l'huile.

La tendance au mouillage est en quelque sorte la caractéristique inverse de l'onctuosité.

6) Adhérence. - L'huile destinée au graissage des mécanismes et, en particulier, des têtes de bielles, doit posséder la propriété d'adhérer aux surfaces lubrifiées afin de résister à la pression exercée et à la force centrifuge qui, aux grandes vitesses, tend à projeter l'huile par la tangente.

C'est pour accroître cette qualité d'adhérence qu'on ajoute parfois aux huiles des produits spéciaux (stéarates métalliques) qui renforcent la résistance à la force centrifuge et conduisent ainsi à de sérieuses économies de lubrifiant.

7) Pureté. - L'huile de graissage doit être neutre, c'est-à-dire ni acide, ni basique. Elle ne doit pas contenir de matières en suspension ou en solution et, surtout, pas de matières abrasives.

8) Point d'inflammabilité ou «point éclair». - Le point d'inflammabilité de l'huile doit être suffisamment élevé pour éviter l'inflammation spontanée de l'huile en cours du service, principalement, lors de la tendance à un chauffage.

B) Huiles cylindrines pour le graissage des distributeurs et des cylindres à vapeur.

1) Propriétés communes aux cylindrines. - Le graissage des distributeurs et des cylindres à vapeur pose un problème tout différent de celui des fusées d'essieux et des paliers en général. En effet, ici, les organes à graisser sont exposés aux températures élevées de la vapeur. En outre, les organes graissés ne sont pas accessibles journellement, il s'ensuit que le contrôle de l'efficacité du graissage est rendu plus difficile.

L'huile doit encore résister à l'effort d'arrachement exercé par la vapeur circulant à très grande vitesse.

Enfin, l'huile doit assurer le graissage interne des distributeurs, des cylindres et aussi, partiellement, celui des tiges des pistons. En outre, elle doit assurer l'étanchéité des pistons et des distributeurs, empêchant ainsi les fuites de vapeur.

En mouvement rotatif continu, il est possible de réaliser le graissage du type «fluide» ou «parfait», mais ici, il s'agit de pièces de mécanisme animées de mouvement de va-et-vient, la vitesse devient nulle à chaque extrémité de course et dès lors l’expression (A) de la page 428 devient nulle également en ces points.

Tout ce qu'il sera possible de faire, c'est de réaliser un frottement du type «onctueux».

Conclusion. - Il devient impossible d'éviter l'usure des cylindres et des segments d'étanchéité. Ce que l'on pourra faire, c'est de réduire au strict minimum la rapidité avec laquelle cette usure se produit en utilisant une huile aussi onctueuse que possible.

C'est pour ce motif qu'aux huiles cylindrines pour vapeur saturée et pour vapeur surchauffée à moins de 350°, on ajoute toujours 2 à 6 % d'huiles animales (huile de pied de bœuf, huile de lard neutre, etc.). On dit alors que ces huiles sont «compoundées» par des huiles animales.

Une huile non compoundée, c'est-à-dire purement minérale, serait plus facilement délavée des parois par l'eau de condensation de la vapeur.

2) Provenance de l'huile. - Les bonnes huiles pour cylindres sont, en général, des huiles de Pennsylvanie (huiles du type paraffinique), exemptes de matières asphaltiques.

Après avoir, par distillation fractionnée, retiré de l'huile brute les produits légers (naphte, essence, pétrole, gas-oil, huiles de graissage légères et épaisses), on traite le résidu de la manière suivante.

On injecte de la vapeur surchauffée dans la colonne de distillation.

Il s'ensuit que les constituants les plus volatiles, demeurés dans l'huile, sont entraînés par le courant de vapeur surchauffée. C'est en réglant judicieusement la température de la vapeur injectée, ainsi que la quantité de celle-ci, que l'on arrive à produire des cylindrines présentant des viscosités et des «points éclair» appropriés à l'utilisation future.

Cylindrines filtrées. - Dans un second procédé, le résidu de distillation est dilué avec du pétrole et la solution ainsi obtenue est refroidie pendant plusieurs jours à une température variant de cinq à quinze degrés sous zéro, selon la qualité désirée.

La vaseline brute se dépose au cours de ce refroidissement. La couche surnageante est filtrée sur une terre spéciale qui retient les composés instables de l'huile. Le pétrole de dilution est alors séparé par distillation et il rentre dans le cycle.

Ce sont les constituants instables ainsi éliminés qui, par décomposition ou cracking, donneraient ces produits gommeux qui calent les cercles de piston et encrassent les cylindres et les distributeurs.

On applique, enfin, au résidu le «raffinage à la vapeur» jusqu'à obtention de la qualité désirée.

Les cylindrines, ainsi préparées, sont dites «filtrées». Elles coûtent plus cher que les autres par suite du traitement subi.

3) Choix de l'huile de graissage. - Le choix de l'huile doit être fait en tenant compte :

  1. des caractéristiques de la vapeur,
  2. des caractéristiques mécaniques de la locomotive.

A) Caractéristiques de la vapeur. - Plus la température de la vapeur est élevée, plus l'huile doit être visqueuse et stable.

Si la vapeur est humide (cas des locomotives à vapeur saturée), il faut «compounder» l'huile avec des graisses animales stables. Celles-ci donnent avec l'eau un film d'huile émulsionnée tenace et adhérent, qui résiste bien à l'effet d'arrachement du jet violent de vapeur et au délavage dû à l'eau de primage ou de condensation.

Si la température de la vapeur surchauffée est très élevée (350° C et plus), il faut choisir une huile résistant bien aux hautes températures. L'huile choisie doit pouvoir s'atomiser (se pulvériser) facilement.

B) Caractéristiques mécaniques de la locomotive.- Entrent en ligne de compte pour fixer le choix de la cylindrine :

  1. le poids des organes mobiles,
  2. la vitesse maximum de la vapeur,
  3. la puissance développée par la locomotive.

a) Plus le poids des pièces mobiles est élevé, plus élevée doit être la viscosité de l'huile.

b) Plus la vitesse de la vapeur est grande, plus l'huile doit pouvoir s'atomiser facilement et complètement, plus son pouvoir mouillant doit être grand, c'est-à-dire plus l'huile doit pouvoir s'étendre entièrement et rapidement sur les surfaces à graisser.

c) Lorsqu'une locomotive ne développe que 50 %, par exemple, de sa puissance, le volume de vapeur qui passe par les distributeurs et les cylindres devient insuffisant pour atomiser et distribuer correctement le lubrifiant. Il est alors nécessaire d'utiliser une huile plus fluide et, partant, plus aisément pulvérisable.

4) Utilisation correcte de l'huile cylindrine. - Il suit, de tout ce qui précède, qu'une huile pour cylindres doit être appropriée au service qui lui est demandé. Pratiquement, à la S.N.C.B., on limite l'emploi à trois sortes de cylindrines :

  1. la cylindrine à vapeur saturée,
  2. la cylindrine à moyenne surchauffe (jusque 350° C),
  3. la cylindrine à haute surchauffe (350° C et plus).

Une huile trop épaisse se pulvérise mal et ne se répand pas rapidement et uniformément sur les parois à graisser.

Une huile trop fluide se laisse expulser et souvent même se volatilise sans graisser.

Si la cylindrine contient trop d'huile animale, il y a formation de cambouis et gommage des segments.

S'il y a manque d'huile animale et si la vapeur devient humide, le film d'huile est délavé et il y a absence de graissage.

Il convient de ne jamais graisser trop abondamment, car le graissage exagéré conduit à la formation de cambouis.

D'autre part, s'il y a manque d'huile, le film d'huile ne recouvre pas l'entièreté des surfaces en contact et il y a usure prématurée de celles-ci.

5) Marche à modérateur fermé. - En général, les conditions de marche les plus dures pour les cylindrines correspondent au fonctionnement de la locomotive à modérateur fermé.

Nous avons exposé (pages 288 à 302) les précautions que l'on prend alors (by-pass, reniflards, injection de vapeur) pour éviter que les pistons aspirent par l'échappement des gaz de la boîte à fumée. Or, la température de ces gaz peut atteindre 400° (page 60) et même davantage. A ces températures, ces gaz contiennent de l'oxygène en assez grande quantité (+- 10 %). Dès lors, aucune huile, quelle qu'en soit la qualité, ne pourrait résister à une telle oxydation et la carbonisation de l'huile est inévitable.

C'est ainsi que se justifie une injection de vapeur saturée dans la tuyère d'échappement, dès que le modérateur est fermé.

De cette manière, c'est de la vapeur saturée à environ 200° (voir tableau de la page 65) qui est introduite dans le cylindre et même, s'il y a entraînement de gaz de la boîte à fumée, grâce à cette vapeur saturée, ces gaz seront, d'une part, dilués dans la vapeur et, d'autre part, refroidis par elle vers 200° C. La tenue en service de la cylindrine est donc nettement meilleure et l'efficacité du graissage est plus certaine.

Des essais plus récents ont montré que l'aspiration des gaz de la boîte à fumée, dans les cylindres à marche à modérateur fermé, pouvait être évitée en faisant usage de reniflards en communication directe avec les boîtes à vapeur des cylindres.

6) Caractéristiques que doivent posséder les cylindrines.

Densité. - La densité à 20° C ne peut dépasser 0,900 à 0,905 selon la viscosité requise.

Point éclair ou point d'inflammabilité. - Il varie de 225° à 285° C selon le genre de cylindrine (pour vapeur saturée, moyenne surchauffe, haute surchauffe). Plus la température est élevée, plus le point éclair doit être élevé.

Viscosité. - Il faut prendre comme point de comparaison la viscosité à 100° C et, à viscosité identique mesurée à 100° C, on doit donner la préférence à l'huile qui donne la meilleure courbe de viscosité.

La viscosité à 100° C est :

Asphalte. - Une bonne cylindrine est exempte d'asphalte, générateur de cambouis.

Carbone résiduel. - Il s'agit du résidu de la décomposition thermique de l'huile et principalement du cracking des résines du pétrole qui y sont dissoutes. Ces résines sont en grande partie éliminées dans les huiles «filtrées».

Une bonne huile peut donner jusque 2 % de carbone résiduel dans le cas des cylindrines pour vapeur saturée et jusque 3,25 % dans le cas des cylindrines pour vapeur surchauffée.

Résistance à l'entraînement à 425° C. - Une huile qui se transforme en vapeur aux températures inférieures à 425° C est perdue pour le graissage, les vapeurs d'huile, une fois produites, ne se condensent plus.

La S.N.C.B. a mis au point un essai de laboratoire permettant de déterminer par avance le comportement des cylindres aux hautes températures.

Une quantité déterminée, toujours la même, de cylindrine est atomisée dans un courant constant de vapeur surchauffée à 425° C.

L'huile est introduite dans la vapeur à une cadence toujours identique. Une partie de l'huile est entraînée, tandis que le résidu est recueilli soigneusement.

On mesure le pourcentage d'huile non entraînée et, sur ce résidu non entraîné, on détermine :

  1. la teneur en asphalte,
  2. la teneur en carbone résiduel selon Conradson,
  3. l'acidité totale.

Une bonne huile donne, dans les conditions de l'essai, au moins 50 % de résidu non entraîné, là teneur en asphalte reste nulle, tandis que la teneur en carbone résiduel ne s'accroît pas de plus de 10 % par rapport à l'huile essayée.

B. - Graisses consistantes.

Certaines locomotives ont leurs têtes de bielles ainsi que leurs boîtes montées sur roulement à rouleaux graissées au moyen de graisses consistantes.

Le but recherché est d'employer un lubrifiant adhérant bien aux surfaces à graisser, visqueux à froid sans l'être trop, fluide à chaud et dont la consommation soit réduite au minimum.

Une graisse consistante est une émulsion, plus ou moins dure, de savon de soude ou de savon de chaux dans de l'huile minérale.

Les graisses consistantes à base de savon de chaux sont dénommées graisses «Stauffer» et sont utilisées à la lubrification des transmissions.

Les graisses consistantes, à base de savon de soude, sont employées au graissage des roulements à billes ou à rouleaux.

On caractérise commercialement une graisse consistante par son point de fusion dénommé «point de goutte» («Ubbelohde» du nom de l'inventeur de la méthode).

Le point de fusion des graisses Stauffer (à base de savon de chaux) s'établit entre 75° et 80° C ; celui des graisses à base de savon de soude, varie de 130° à 170° C.

Une graisse consistante de qualité est constituée de :

C. - Huiles végétales.

La S.N.C.B. a abandonné complètement l'emploi des huiles végétales. Les huiles de colza et de navette, qui étaient très utilisées dans le passé, étaient extraites, sous l'action de puissantes presses hydrauliques, des graines de ces plantes.

Notons que les huiles végétales sont très onctueuses et que leur courbe de viscosité est meilleure que celle des huiles minérales, même de première qualité.

La viscosité des huiles végétales variant peu avec la température, ces huiles conviennent particulièrement bien pour les graisseurs à ouverture fixe, le débit restant sensiblement constant.

Mais à haute température, les huiles végétales se décomposent, s'acidifient et se carbonisent et, dès lors, donnent lieu à des encrassements.

Ajoutons que les huiles végétales se figent entre 1° et 10° sous zéro.

Enfin, actuellement, les huiles de colza et de navettes sont très chères et très rares, la totalité de la production étant réservée aux fabriques de margarine et de savon.

D. - Huiles extraites du goudron de houille.

Ces huiles sont sensiblement neutres, mais sont instables, altérables et facilement congelables, elles ne conviennent donc pas pour des graissages importants. Elles ne sont pas utilisées par la S.N.C.B.

E. - Huiles et graisses animales.

Parmi les meilleurs produits citons ;

A) L'huile de pied de bœuf. - Cette huile est extraite des sabots des bœufs ; elle constitue un lubrifiant de valeur destiné au graissage de fines mécaniques (machines à coudre, par exemple).

L'huile de pied de bœuf entre dans la fabrication des graisses consistantes de qualité supérieure. Elle sert aussi à «compounder» les cylindrines pour vapeur saturée et pour vapeur à surchauffe moyenne (page 439).

B) L'huile de lard. - C'est la partie liquide et neutralisée de la graisse du lard.

Cette huile sert également à «compounder» les cylindrines.

C) Suif. - Le suif provient des tissus adipeux des bœufs et des moutons. Il n'est plus utilisé au graissage à la S. N. C. B.

Il entre dans la préparation des savons servant à la fabrication des graisses consistantes.


CHAPITRE II
MÉCANISME DU GRAISSAGE

Dans l'étude du mécanisme du graissage, nous distinguerons deux cas :

  1. Cas de surfaces planes glissant l’une sur l’autre ;
  2. Cas de tourillons animés d’un mouvement continu de rotation.

A) Surfaces planes glissant l'une sur l'autre.

La théorie hydrodynamique du graissage a introduit la notion du «coin d'huile».

Lorsqu'une surface plane, à arêtes vives, telle que A, glisse sur une autre surface B (fig. 530), l'effort qui produit le glissement tend à chasser le lubrifiant interposé entre les deux surfaces, il s'ensuit que le glissement se poursuit avec frottement demi-sec.

Fig. 530 Fig. 531

Mais si la pièce A en mouvement est construite de telle manière que son arête avant soit arrondie et relevée, comme le montre la figure 531, on constate qu'il se forme dans le lubrifiant un coin d'huile (fig. 532) qui tend à soulever la pièce A.

Fig. 532

En outre, il se produit dans la couche d'huile une augmentation de pression qui, si les circonstances s'y prêtent, peut devenir suffisante pour que la pièce A flotte sur la couche d'huile et s'y maintienne malgré la charge que la pièce A supporte.

Cette augmentation de pression se produit sous l'action du mouvement de glissement d'une part et sous l'action de la viscosité d'autre part.

La même chose se produit dans le cas où les extrémités de la pièce A sont relevées en plans inclinés (fig. 533).

Fig. 533

L'explication du phénomène est la suivante (note 447) :

Par suite des propriétés adhésives de l'huile, celle-ci s'attache aux deux surfaces frottantes. Dès lors, par suite du mouvement de glissement de l'une des surfaces sur l'autre, l'huile est étirée entre les deux surfaces, dans le sens de sa longueur. Par suite de la diminution de la section transversale de la couche d'huile qui en résulte et de la cohésion des particules fluides due à la viscosité, il se produit au sein de la couche une augmentation de pression qui, pour une vitesse de glissement suffisante, provoque le soulèvement de la pièce A au-dessus de la pièce B et son flottement dynamique continu.

Le maximum de pression est atteint un peu avant le point a, où la surface d'appui de la pièce mobile A devient oblique par rapport au plan de glissement B.

Fig. 534

Lorsque la pièce en mouvement A doit supporter une charge très élevée, on donne à la surface d'appui la forme représentée fig. 534. Elle comporte, pour chaque sens de mouvement, trois surfaces portantes a, b et c en plan incliné, au lieu d'une seule.

Les plans inclinés n'occupent pas toute la largeur de la pièce mobile et cela pour éviter une fuite latérale de l'huile à haute pression hors des cavités constituées par les plans inclinés.

Lorsque le mouvement s'arrête, le frottement qui était fluide, se transforme au fur et à mesure de la diminution de vitesse en frottement onctueux, c'est-à-dire demi-fluide et, au moment de l'arrêt, en frottement demi-sec. C'est ce dernier qui existe jusqu'au moment de la remise en marche.

B) Tourillons animés d'un mouvement continu de rotation.

Rappelons-nous que les deux conditions essentielles à la réalisation d'un frottement exclusivement fluide sont :

  1. le film d'huile doit prendre la forme d'un coin qui est entraîné dans le mouvement de glissement, le dos du coin se présentant toujours le premier dans le sens du mouvement (voir figure 532).
  2. la vitesse de glissement doit être suffisante pour développer dans le coin d'huile une pression permettant le soulèvement de la pièce mobile au-dessus de la pièce fixe.

Pour satisfaire à la première condition dans le cas des tourillons, il suffit de donner au coussinet un alésage supérieur au diamètre du tourillon. Effectivement, lorsque le tourillon repose à l'arrêt sur le coussinet, il existe entre les deux pièces un espace en forme de coin courbe (fig. 535), espace qui va en diminuant jusqu'à devenir nul au point de contact des deux pièces.

Fig. 535 Fig. 536 Fig. 537

Si la vitesse de rotation du tourillon est assez élevée pour créer au sein du film d'huile une pression suffisance pour soulever le tourillon de son palier, le tourillon flottera sur le film d'huile et le frottement sera exclusivement fluide.

Pour une faible vitesse, le tourillon commence à flotter, mais il prend une position excentrique par rapport au palier (fig. 536) ; son centre vient en o'.

Il y a donc non seulement un soulèvement vertical du tourillon mais encore un déplacement latéral dans l'espace laissé libre par le jeu. Ce déplacement latéral se produit toujours dans la moitié du palier qui supporte la charge et dans le sens de la rotation.

La distance minimum entre le tourillon et le coussinet, c'est-à-dire l'épaisseur e' du film d'huile sera d'autant plus faible que la vitesse sera plus réduite (fig. 536).

Au fur et à mesure que la vitesse s'accroît (fig. 537), l'épaisseur minimum e" du film d'huile augmente, le centre o" du tourillon se rapproche du centre o du palier. Le centre o" coïnciderait avec o pour une vitesse infiniment grande, jamais réalisée.

La pression dans la couche lubrifiante augmente d'une façon continue depuis le côté droit du palier (en A) dans le sens du mouvement, c'est-à-dire vers B, et elle est maximum au point C, où la section transversale e" du film d'huile est la plus étroite, à partir de ce point, la pression tombe brusquement.

Par suite de la forme courbe du coin d'huile, l'huile provenant de la partie droite du palier (fig. 538) est entraînée de force dans la section minimum et refoulée au-delà de cette section.

Fig. 538

L'huile ne peut donc être amenée au palier que du côté où se poursuit cette aspiration due au mouvement du tourillon.

L'huile ne peut être entraînée dans la partie chargée du coussinet que par le tourillon lui-même et cela, du côté où la section du film va en se rétrécissant dans le sens du mouvement de rotation.

L'huile parcourt un trajet circulaire ininterrompu ; un apport d'huile fraîche n'est indispensable que dans la mesure où il faut compenser la quantité que la pression chasse par les extrémités du palier.

Remarque. - Pour que le graissage soit parfait, il faut encore que le coussinet ne soit pas fixé dans une position invariable, mais construit de manière à conserver une certaine liberté de mouvement, de manière à pouvoir s'orienter lui-même dans une direction parallèle à l'axe du tourillon. C'est pourquoi on emploie des paliers avec surface sphérique d'appui ou tout autre dispositif permettant l'auto-orientabilité.

Influence des rainures de graissage.

Puisque la pression qui soulève le tourillon dans le cas du frottement fluide augmente à mesure que l'épaisseur du film en forme de coin diminue, il est clair que si l'on creuse une rainure parallèle à l'axe dans la paroi du demi-coussinet chargé, la continuité du film sera rompue, l'huile se répandra dans la rainure et l'augmentation de pression acquise en ce moment dans le film diminuera brusquement. Il s'ensuit que le frottement fluide se transformera en frottement onctueux ou demi-fluide, d'où élévation de température et usure plus accentuée.

Il en sera de même si l'on fait usage de rainures de graissage disposées en croix (pattes d'araignées).

Considérons un demi-coussinet posant sur un essieu de locomotive (fig. 539).

Fig. 539 Fig. 540

Le corps, en bronze, porte de chaque côté une garniture en métal blanc.

Supposons qu'au milieu, c'est-à-dire au point où agit toute la charge, nous disposions une forte rainure longitudinale r, servant à l'alimentation de l'huile.

Les considérations exposées plus haut condamnent cette pratique. Il est préférable de supprimer la rainure centrale r et de la remplacer par deux rainures latérales r' r', dont chacune sert pour un sens de roulement (fig. 540). Dans aucun cas, elles ne doivent occuper toute la largeur de la surface frottante ; leurs bords doivent être arrondis.

C. Graissage des tourillons oscillants.

Dans le cas des tourillons oscillants, le graissage se présente dans des conditions différentes.

En effet, considérons le tourillon de crosse d'une machine à vapeur à piston : le mouvement de la crosse étant alternatif, le tourillon prend aussi dans son coussinet un mouvement d'oscillation alternatif et, pendant ce mouvement, il appuie pendant la première moitié de son parcours sur l'un des demi-coussinets et, pendant l'autre moitié, sur l'autre demi-coussinet. Comme il existe toujours un certain jeu du tourillon dans son coussinet, le tourillon, à chaque changement de sens, se déplace à l'intérieur du palier d'une distance égale à ce jeu.

Le graissage a, ici, pour but essentiel d'amortir aussi complètement que possible les chocs du tourillon contre son coussinet au passage des points morts.

L'amortissement du choc sera d'autant plus complet que le palier sera plus étanche à ses extrémités. Dans cet ordre d'idées, il est utile de munir le tourillon de collets pour éviter la fuite latérale de l'huile.

Si, au moment où la pression de la vapeur sur le piston change de sens, l'amortissement est suffisant, il n'y aura pas de choc du tourillon sur son coussinet ; le tourillon se déplacera alternativement dans les deux sens, dans l'espace constituant le jeu du palier, espace complètement rempli par l'huile de graissage, sans jamais atteindre l'extrémité de sa course dans un sens ni dans l'autre. Du même coup, le graissage parfait sera réalisé, puisque le tourillon n'entrera jamais en contact avec le coussinet.

Il va sans dire que l'huile expulsée devra être remplacée au moment du changement du sens de l'effort par une quantité égale d'huile fraîche.

Cette huile fraîche doit pouvoir être attirée avec une vitesse suffisante par le tourillon qui, en s'écartant du coussinet, produit un effet d'aspiration.

L'arrivée d'huile doit être placée à l'endroit où l'aspiration est la plus forte, c'est-à-dire dans la partie médiane du coussinet.

Pour améliorer encore l'aspiration, on amène l'huile dans la partie centrale de chacune des deux moitiés du coussinet et l'on pratique dans la paroi du coussinet, au point d'amenée de l'huile, une courte cannelure de graissage transversale, destinée à assurer une rapide répartition axiale de l'huile dès qu'elle débouche dans le coussinet.


CHAPITRE III
APPAREILS DE GRAISSAGE

Considérations générales. - Lorsque la matière lubrifiante est bien choisie, il n'est pas nécessaire que la lubrification soit très abondante, elle doit être simplement suffisante et régulière.

Comme les matières lubrifiantes coûtent cher, on doit se montrer économe dans leur emploi et s'évertuer à ne dépasser que le moins possible la quantité nécessaire. Lorsque le graisseur sera à débit réglable, on cherchera à rendre ce débit visible pour arriver ainsi à le contrôler d'une manière précise ; sans cela, on serait naturellement conduit à donner un trop grand débit.

Il est évident que la capacité des graisseurs doit être largement suffisante pour contenir la quantité d'huile qui peut être consommée pendant les plus longs parcoures sans arrêt. De ce point de vue, il faut tenir compte de ce que certaines circonstances, un léger dérangement dans le réglage, un commencement de chauffage, peuvent faire augmenter le débit dans de grandes proportions.

On peut classer les graisseurs suivant leur destination en deux catégories :

  1. les graisseurs pour les pièces du mécanisme (articulations, coussinets, guides, etc.) dont la température ne dépasse pas de beaucoup la température extérieure ;
  2. les graisseurs des pistons et des tiroirs soumis à la température et à la pression de la vapeur.

A. Graisseurs du mécanisme.

1. - Godet graisseur.

Les plus simples de ces appareils comportent une poche ménagée dans l'organe ou un godet relié par un canal court et direct avec la surface à graisser.

Fig. 541, 542. - Godet graisseur.

Les figures 541-542 représentent un dispositif de ce genre appliqué à l'articulation inférieure d'un levier d'avance du mécanisme Walschaerts. La poche P forée dans la masse est remplie de déchets de laine et est fermée par un bouchon fileté B. L'huile est introduite par une ouverture 0 ménagée sur le côté. Le bourrage contenu dans la poche P absorbe cette huile et en régularise le débit vers la surface à graisser tout en la préservant dans la mesure du possible des poussières extérieures.

Cet arrangement est très satisfaisant pour les articulations fatigant peu, oscillant peu et, en résumé, consommant très peu d'huile.

2. - Graisseurs à mèches.

Lorsque l'organe doit être abondamment lubrifié, la contenance du godet doit augmenter en conséquence et, en vue d'assurer les conditions de régularité et d'économie, ces appareils seront dans une certaine mesure réglables par le machiniste.

Fig 543
Graisseur à mèche

Les premiers graisseurs de ce genre sont les graisseurs à mèche (fig. 543). Ils comportent généralement un godet au centre duquel se trouve une busette destinée à conduire l'huile aux surfaces frottantes et dont le niveau supérieur émerge au-dessus du niveau de l'huile. Une mèche de laine plonge par l'une de ses extrémités dans l'huile et par l'autre, à l'intérieur de la busette.

Par capillarité, l'huile monte dans la mèche, celle-ci, imbibée, agit à la manière d'un siphon et l'huile s'écoule dans le tube central. Le réglage du débit est obtenu en variant la composition de la mèche. Le débit est totalement supprimé en retirant complètement la mèche, opération qu'on rend plus aisée en fixant la mèche à une épinglette en fil de cuivre.

En raison de son mode de fonctionnement, le graissage par mèche laisse au fond du godet les impuretés que l'huile pourrait contenir, mais à côté de cet avantage, il présente différents inconvénients. Le retrait des mèches ne peut guère se faire que lors d'un stationnement quelque peu prolongé ; pendant les arrêts, les mèches continuent à débiter, occasionnant ainsi une dépense inutile. Le graissage par mèches exige une huile assez fluide et, même avec une huile fluide, la capillarité des mèches diminue et il faut les renouveler assez fréquemment.

Les graisseurs à mèches sont employés pour les boites à huile, les guides de crosses de piston, les tiges des pistons et des tiroirs, etc.

3. - Graisseurs à pointeau.

En vue de remédier aux inconvénients précités, on a créé de nombreux systèmes dont l'un des plus intéressants est le graisseur à pointeau.

Fig. 544
Graisseur à pointeau

La fig. 544 montre clairement comment il est construit. Le réglage est obtenu en faisant pénétrer plus ou moins l'extrémité conique de la tige centrale dans le siège correspondant. Un cône aigu est ici avantageux attendu que pour une même levée de la tige (correspondant par exemple à un tour de vis), l'ouverture permettant l'écoulement de l'huile sera plus faible que si le cône était obtus. Le réglage est donc plus précis. Un ressort r s'engage dans les encoches correspondantes du bouton molleté du haut de la tige et assure ainsi la fixité du réglage adopté.

Ce graisseur a l'avantage de ne comporter que des parties métalliques et de permettre un réglage précis, même avec les huiles les plus visqueuses. Tandis que dans le graisseur précédent, le retrait des mèches est une opération salissante, rebutant les machinistes qui la négligent, l'arrêt et la remise en marche du graisseur à pointeau n'offrent pas cet inconvénient. Ce graisseur peut être rapidement fermé et rouvert ; enfin, quand le bouton porte une graduation, la position du pointeau peut être repérée, ce qui permet à chaque remise en marche de réaliser sûrement le débit qui a été reconnu le plus favorable.

Le graisseur à pointeau est d'un usage général dans certaines compagnies où il remplace le graisseur à mèches ; il présente l'inconvénient de s'obstruer facilement.

Lorsqu'il s'agit de lubrifier des pièces à mouvement rotatif, alternatif ou soumises à des trépidations violentes, on fait usage de graisseurs étudiés de façon à ne débiter que pendant la marche.

On a créé de très nombreux modèles de graisseurs présentant ce caractère ; nous nous bornerons à décrire le graisseur à épinglette, d'origine française, actuellement employé à la S.N.C.B.

4. - Graisseur à épinglette (fig. 545).

Il comporte un godet ordinairement creusé dans le corps de la pièce et présentant au centre une tubulure de graissage A. La partie supérieure de cette tubulure présente une tête T rapportée, en acier, formant bouchon et percée en son centre d'un trou de 1 mm de diamètre.

Fig. 545
Graisseur à épinglette.

Un petit fil de cuivre ou de laiton, de 0,6 mm de diamètre environ, appelé communément épinglette, pénètre dans le petit trou central par une partie droite d'une certaine longueur. L'épinglette repose sur la tête de la tubulure par une partie façonnée en forme de spirale, comme l'indique la figure.

Le godet est fermé vers le haut par un bouchon métallique. Certains réseaux utilisent un bouchon d'assez grand diamètre qui comporte en son centre un deuxième bouchon, fileté en bois, de plus petit diamètre. Ce dernier est dévissé à la main pour le remplissage du graisseur, le grand bouchon métallique n'est démonté que pour le nettoyage du graisseur.

Voyons maintenant comment le graisseur fonctionne. Le godet n'est rempli d'huile que jusqu'à un niveau qui doit être inférieur au sommet de la tubulure de graissage.

Au repos, ce graisseur ne débite donc pas, mais dès qu'il y a mouvement, l'huile agitée est projetée contre l'épinglette et s'écoule par son propre poids le long de la tige centrale.

Il est à remarquer que l'épinglette elle-même monte et descend pendant la marche, ce qui facilite le passage de l'huile et prévient d'une façon efficace toute obstruction due à des impuretés que l'huile pourrait contenir.

Ce modèle de graisseur est l'un des plus parfaits du genre, il a le grand mérite de pouvoir être exécuté facilement avec toute la précision nécessaire à son bon fonctionnement.

5. - Graisseur à épinglette à fermeture automatique.

Le dévissage à la main du bouchon de fermeture du graisseur ordinaire peut présenter du danger dans le cas des mécanismes intérieurs, si la locomotive se met intempestivement en marche.

Ce type de graisseur est utilisé aux grosses têtes de bielles motrices intérieures qui sont difficilement accessibles lorsque la locomotive ne se trouve pas sur une fosse de visite.

Fig. 546
Graisseur à épinglette à fermeture automatique.

Le godet du graisseur représenté fig. 546 est fermé par une soupape à tête sphérique S qu'un ressort R presse sur son siège.

En appuyant du bout de la burette, comme l'indique la flèche, le machiniste fait descendre la soupape.

Du jeu est prévu entre la queue q de la soupape et la tubulure de graissage A qui lui sert de guide, ce qui fait que la soupape porte convenablement sur son siège.

Cependant, l'étanchéité de ce graisseur n'est pas aussi parfaite que celle du précédent.

B. Graisseurs des pistons et des tiroirs des cylindres de locomotives et des pompes à air et d'alimentation.

Les tiroirs et pistons doivent toujours être lubrifiés, que la machine fonctionne sous pression ou à modérateur fermé.

Les graisseurs comportant un simple réservoir fermé en haut et en bas par un robinet et vissés directement sur les chapelles des cylindres sont abandonnés actuellement. Ils ne permettaient qu'un graissage intermittent à peu près sans réglage.

On a substitué depuis longtemps à ces appareils des graisseurs à condensation dont le fonctionnement est automatique.

1. - Graisseurs à boule.

La figure 547 représente un modèle simple de ce genre de graisseurs qui a été utilisé pour le graissage de la pompe du frein Westinghouse. Il est constitué par un réservoir sphérique, d'où le nom de graisseur à boule, à l'intérieur duquel se trouve un tube A communiquant directement avec la prise de vapeur en B. Ce tube est vissé dans le soubassement du graisseur et y forme joint étanche avec le fond du réservoir. Le graisseur est fermé au-dessus par un bouchon vissé qu'on enlève pour l'introduction de l'huile.

Fig. 547
Graisseur à boule.

L'huile doit affleurer avec le niveau supérieur du tube A. Dès que la pompe fonctionne, la vapeur pénètre par le tube A dans la partie supérieure du graisseur, s'y condense, les gouttelettes d'eau formées s'écoulent au fond, l'huile étant plus légère que l'eau. Le niveau de l'huile tend donc à s'élever d'une quantité correspondante, mais dès qu'il dépasse le tube A, l'huile s'écoule goutte à goutte à l'inférieur de celui-ci et se rend d'abord aux tiroirs distributeurs de la pompe et ensuite au piston.

Le débit du graisseur dépend :

  1. de l'étendue des surfaces refroidissantes, surfaces qui sont toujours les mêmes puisque le niveau supérieur du liquide est constant ;
  2. de la température de l'air extérieur et de celle de la vapeur, ces dernières seules peuvent faire varier le débit du graisseur.

Lorsque l'accès de vapeur est supprimé, le graissage cesse ; de ce dernier point de vue, le graisseur décrit est économique.

Avant d'introduire l'huile, il faut s'assurer que la prise de vapeur est bien fermée. Quand le bouchon D est dévissé, on laisse écouler l'eau de condensation par le robinet R.

2. - Graisseur Roscoë.

Le graisseur Roscoë, à condensation et à débit réglable, est dérivé du précédent. On y retrouve (fig. 548), le tube central relié à la chapelle de distribution, le bouchon fileté supérieur et le robinet de purge. Le tube central A présente à son extrémité supérieure une ouverture conique dans laquelle pénètre plus ou moins une vis à pointeau V tournant dans le couvercle D comme écrou. La position de la vis peut être fixée à la main par la poignée P. Ce dispositif permet de régler et même d'interrompre le débit du graisseur et, afin de repérer la position du pointeau, la tige de la vis est munie d'une aiguille dont la pointe parcourt une graduation gravée sur la face supérieure de l'écrou.

Fig. 548.
Graisseur Roscoë.

Ce graisseur fonctionne comme le précédent, mais le tube central présente une particularité. Il est entouré d'un second tube T concentrique au premier. L'intervalle annulaire compris entre les deux tubes est fermé hermétiquement vers le haut, mais reste ouvert vers le bas.

Lorsque, après avoir vidé complètement le graisseur, on le remplit d'huile, une certaine quantité d'air reste emprisonnée entre les tubes A et T. Pendant la marche sous pression de vapeur, cet air est comprimé et, lorsqu'on ferme le modérateur, la pression disparaissant, l'air se détend et provoque l'entrée dans la chapelle d'une petite quantité d'huile correspondante devant suffire à tout le temps que durera la marche à modérateur fermé. Les graisseurs Roscoë étaient généralement montés à très courte distance des chapelles de distribution, hors de portée du machiniste pendant la marche.

3. - Graisseur Nathan.

Le graisseur Nathan est également du type à condensation, de plus il est à débit réglable et visible. Il est représenté en coupe fig. 549 à 552. Il comprend essentiellement un réservoir cylindrique A, destiné à contenir l'huile. Ce réservoir est surmonté d'une cloche B (condenseur) raccordée elle-même à une prise de vapeur spéciale qui peut être fermée par un robinet. L'huile s'introduit en dévissant le bouchon C après avoir eu soin de fermer la prise de vapeur, le robinet D dont il sera question plus loin et avoir laissé écouler par le robinet E l'eau de condensation que contenait le réservoir.

Le tube de niveau F permet d'ailleurs de s'assurer si la quantité d'eau contenue ne devient pas exagérée.

Le graisseur, placé à portée de la main, est fixé à la devanture de la chaudière par une queue filetée munie d'un écrou.

Voyons à présent comment il fonctionne :

La vapeur vive se condensant dans la cloche B s'écoule sous forme d'eau par le canal H, le robinet à pointeau D étant ouvert, l'eau s'écoule au fond du réservoir par le tube K.

Fig. 549 Fig. 550 Fig. 551 Fig. 552

Comme dans les graisseurs précédents, l'arrivée de l'eau fait monter le niveau de l'huile et celle-ci pénètre par le tube central L. Ce tube, ouvert à son extrémité supérieure, communique par le bas avec un canal perpendiculaire M. L'huile est ainsi amenée par le canal M aux robinets à pointeau N, dont le réglage est fait par le machiniste. Les tubes de verre P sont pleins d'eau, de façon qu'on puisse voir monter une à une les gouttelettes d'huile qui se détachent des extrémités effilées.

Mais d'où vient l'eau contenue dans les tubes de verre P ? Dans le condenseur B se trouvent deux tubes Q qui ne présentent d'autres ouvertures que les huit petits trous qu'on distingue vers le haut. Ces trous sont au niveau maximum que l'eau de condensation peut atteindre dans la cloche B. La vapeur et, éventuellement, l'eau de condensation pénètrent par ces petits trous dans les tubes Q, s'écoulent par les canaux R dans les tubes de verre P et se rendent vers les chapelles de distribution par le trou S. Les tubes P sont donc normalement pleins d'eau jusqu'au niveau du trou S. Les gouttelettes d'huile, parvenues au trou S, sont entraînées par la vapeur vers les chapelles.

Le graisseur Nathan est donc à débit réglable et visible. Celui qui est représenté est à deux départs, un pour chaque cylindre. Au cas où le tube de verre d'un des compte-gouttes se brise, le machiniste ferme le robinet à pointeau N correspondant, ainsi que la soupape T disposée à cette fin au-dessus du tube. L'afflux de vapeur est ainsi supprimé et le tube brisé peut alors être remplacé sans difficulté. L'appareil est d'ailleurs pourvu de deux graisseurs auxiliaires V, simples cuvettes pourvues d'un tamis, fermées par des vis à pointeau et communiquant avec les tuyaux se rendant aux chapelles par un canal détourné Y (voir coupes spéciales fig. 550 et 551). Les pointeaux étant ouverts, les chapelles communiquent directement avec l'air libre, les graisseurs auxiliaires V ne peuvent donc être utilisés qu'à modérateur fermé.

Pendant les stationnements, on arrêtera le graissage en fermant la prise de vapeur et les pointeaux des compte-gouttes.

Si nous négligeons les détails de construction, nous pouvons exposer le fonctionnement du graisseur à condensation Nathan très simplement au moyen d'une seule figure (schéma fig. 553).

La vapeur venant de la chaudière se condense dans la boule B. L'excédent de vapeur non condensée se dirige vers les chapelles de distribution par le tube Q.

L'eau de condensation descend par le tube K dans le fond du réservoir R contenant l'huile.

Celle-ci, repoussée par l'eau dans le tube LM, passe au tube compte-gouttes en verre F, le débit étant réglé par le robinet à pointeau N.

Le mélange huile-vapeur se fait dans le tube r et part vers les chapelles de distribution, comme le montre la flèche.

Fig. 553
Schéma du graisseur à condensation Nathan.

Le tube F est rempli d'eau provenant de la condensation de la vapeur venant par Q et les gouttes d'huile cheminent par différence de densité de bas en haut.

4. - Graisseur Détroit.

Le graisseur Détroit, dont l'usage est assez répandu, est basé sur le même principe que le graisseur Nathan. On y retrouve les mêmes organes essentiels indiqués fig. 554 à 556 par les lettres correspondantes à celles des figures 549 à 552.

Fig. 556
Fig. 555
Fig. 554
Graisseur à condensation système «Détroit».

Les débits s'observent à travers deux disques en cristal 0 (fig. 554). Cette même figure montre comment on peut nettoyer l'intérieur de la chambre des débits visibles, contenant normalement de l'eau, en ouvrant le robinet de purge p.

Le graisseur Détroit représenté est à cinq départs, celui du milieu est souvent réservé pour la lubrification de la pompe Westinghouse, les quatre autres graissent, soit quatre tiroirs de distribution, soit deux tiroirs et les deux contretiges des pistons correspondants.

Fig. 557

Le robinet de commande du débit d'huile W (fig. 555 et 556) peut occuper différentes positions. Lorsque la poignée est dirigée vers le bas (c'est la position figurée), tous les canaux d'huile sont ouverts, les cinq départs débitent. Dans la position opposée, poignée tournée vers le haut, tout débit est supprimé. Lorsque la poignée est placée horizontalement, seul le débit destiné à la pompe subsiste, les autres sont supprimés. C'est cette position que l'on adopte lorsque la locomotive est en stationnement. On évite ainsi une consommation d'huile inutile et ce résultat s'obtient sans devoir toucher aux pointeaux de réglage des débits. Il suffit de ramener la poignée du robinet vers le bas pour qu'immédiatement tous les débits soient rétablis, leur réglage étant conservé.

La figure 557 donne la disposition schématique du graisseur Détroit. Ce schéma permet de bien se rendre compte du fonctionnement qui a été décrit plus haut et il montre clairement, en outre, que l'huile s'écoule par les pointeaux de réglage sous la pression d'une colonne liquide de hauteur sensiblement constante H - h, ce qui explique la régularité du débit obtenu au moyen de ce type de graisseur.

C. Graisseurs mécaniques.

Les graisseurs mécaniques sont généralement constitués de véritables pompes aspirantes et foulantes, en nombre correspondant à celui des endroits à lubrifier. Chaque pompe comporte, en principe, un piston plongeur et des soupapes d'aspiration et de refoulement. L'huile est aspirée d'un réservoir commun, qui est souvent pourvu d'une petite canalisation de chauffage que l'on utilise quand l'abaissement de la température rend l'huile trop visqueuse.

1. Graisseur Zeyen.

Nous décrirons, à titre d'exemple, le graisseur Zeyen (fig. 558 et 559).

Les différents pistons P des pompes sont actionnés par un même arbre A qui reçoit son mouvement de rotation à l'intervention d'un levier L agissant sur une roue à rochet R. Le levier L est attaqué à son tour par une pièce de la locomotive, animée d'un mouvement alternatif ou rotatif.

Chaque pompe comporte deux soupapes constituées de billes en acier, l'une pour l'aspiration, l'autre pour le refoulement.

L'huile contenue dans le réservoir commun est filtrée à travers un tamis T avant d'être aspirée par les pompes.

La canalisation de vapeur servant au chauffage s'observe en C.

Fig. 558 Fig. 559
Graisseur mécanique système «Zeyen».

Comme le montre la fig. 558, la levée et l'abaissement des pistons P sont obtenus par la rotation d'un excentrique calé sur l'arbre A dans une coulisse guidée inférieurement en G. La course verticale de la coulisse est constante, mais cette course ne se communique pas dans son entièreté aux pistons P, en raison du jeu qui existe entre les tiges de commande des pistons et les portées d'entraînement correspondantes de la coulisse. Ce jeu peut d'ailleurs être réglé depuis zéro jusqu'une certaine valeur maximum, suivant la position donnée à l'écrou et au contre-écrou que l'on distingue sur la figure.

Le débit par coup de piston peut ainsi être réglé à volonté pour chaque pompe.

En raison de ce que le mouvement du levier de commande L est emprunté à une pièce mobile de la machine, le débit de ces graisseurs est proportionnel à la vitesse de celle-ci, ce qui n'est pas le cas pour les graisseurs à condensation. Le fonctionnement des graisseurs mécaniques est automatique et comme les coups de piston se succèdent rapidement, on peut considérer qu'en fait le graissage est continu.

Ils fonctionnent à modérateur fermé comme à modérateur ouvert, le graissage qu'ils procurent est certain, puisqu'il résulte d'une injection forcée de l'huile vers l'organe à lubrifier. Enfin, comme ils ne débitent pas pendant les arrêts et que leur débit est réglable, même pour chaque départ, ils sont économiques.

Etant donné le principe même des graisseurs mécaniques, on saisit tout de suite comment on réglera leur débit.

  1. on modifiera le débit de tous les départs en même temps et dans la même mesure, en faisant varier le point d'attaque du levier ; on fera prendre ainsi plus ou moins de dents de la roue à rochet, ce qui augmentera ou diminuera la vitesse de fonctionnement du graisseur ;
  2. on réglera chaque départ en particulier, en modifiant la course du piston correspondant.

Les graisseurs mécaniques se différencient les uns des autres principalement par le mode de production du mouvement alternatif des pistons, par la suppression plus ou moins complète des soupapes et leur remplacement par d'autres organes distributeurs tels que des pistons. Toutes choses égales, le plus simple, c'est-à-dire celui qui comportera le moins d'organes et dont le machiniste comprendra le plus aisément le fonctionnement, sera le meilleur.

2. Graisseur Nathan pour pompe à air du frein Westinghouse.

La pompe à air actionne elle-même son graisseur et, bien que celui-ci doive être rangé parmi les graisseurs mécaniques, il fonctionne à proprement parler sans commande par liaison mécanique, en ce sens que c'est l'air lui-même qui provoque les mouvements de va-et-vient du piston graisseur.

Fig. 560
Graisseur Nathan pour pompe à air du frein Westinghouse.

L'air comprimé, venant du cylindre à basse pression de la pompe à air, agit sur le piston P (fig. 560 et 561), celui-ci, par l'intermédiaire du levier à rochet A, assure la rotation de l'axe de commande des pompes à huile p.

La tige du piston P pousse sur le levier A et provoque son basculement autour du centre B en entraînant le cliquet C qui donne à la roue à rochet une avance de deux dents.

Pour que la roue fasse un tour complet, il faut 18 pulsations semblables. Après chaque pulsation, le relèvement du levier A et du piston à air est réalisé par la poussée du ressort de rappel R sur le levier L qui pivote autour de l'axe 0.

Fonctionnement des pompes à huile. - Lors de sa levée, le piston p décrit sur lui-même une légère rotation, mettant en communication le réservoir d'huile et la chambre sous le piston, il y a alors aspiration d'huile.

Fig. 561

Lors de sa descente, le piston pivote dans le sens opposé et met la chambre sous le piston en communication avec le canal de départ, il y a alors refoulement d'huile.

L'huile est foulée vers les cylindres à lubrifier au travers d'une soupape de retenue du type à bille, empêchant tout retour de vapeur ou d'air vers le graisseur.

Le graisseur est traversé par un conduit de vapeur XY, assurant le réchauffage de l'huile.

Complétons cette description par quelques détails.

L'axe de la roue à rochet H comporte une cavité excentrée dans laquelle est logé un maneton d'entraînement M (fig. 561). Celui-ci est vissé, d'autre part, dans la crossette U.

A chaque tour de la roue à rochet correspond une levée et une descente de la crossette U et, simultanément, un mouvement angulaire de celle-ci dans le plan horizontal d'une valeur en rapport avec l'excentricité du maneton d'entraînement de la crossette.

La crossette porte, perpendiculairement au premier maneton, deux autres manetons m et m' qui, lors de leur mouvement descendant, appuient sur les pistons p des pompes à huile.

Lors du mouvement ascendant de la crossette U, les deux pistons à huile remontent à l'intervention du ressort de rappel r et cela, jusqu'à une hauteur h déterminée par le réglage effectué par les vis V (fig. 560).

Les mouvements de la crossette U se résument comme suit :

  1. montée et rotation vers la gauche, puis retour dans son plan primitif ;
  2. descente et rotation vers la droite, puis retour dans son plan primitif. Le mouvement est communiqué aux deux manetons d'entraînement des pistons p ainsi qu'à ceux-ci.

Le même type de graisseur est utilisé pour le graissage du cylindre à vapeur de la pompe d'alimentation Worthington. Mais ici, le piston graisseur est actionné par la pression de la vapeur dans le cylindre à vapeur de la pompe. Dans ce cas particulier, le piston P est de section réduite.

Le graisseur de la pompe d'alimentation ACFI, bien que de construction différente, est basé sur le même principe, avec cette particularité que c'est la pression d'eau au refoulement qui actionne le piston.

D. Soupapes ou clapets de retenue.

Avec les graisseurs mécaniques, il faut placer le plus près possible du point à graisser, des soupapes ou des clapets qui empêchent la canalisation de se vider, soit sous l'effet de la pesanteur, soit sous l'influence des retours de vapeur dans ces canalisations.

Ce point est très important. Rappelons-nous, en effet, que le débit normal d'huile est très faible et que, par conséquent, il faut un temps relativement très long pour remplir les tuyaux de graissage si ceux-ci viennent à se vider.

S'il n'y avait pas de soupape de retenue ou si celle-ci n'était pas étanche, il faudrait parcourir un nombre de kilomètres, parfois très important, avant que l'huile ne revienne aux points à graisser.

Fig. 562. - Soupape de retenue pour graisseur mécanique.

La soupape de retenue (fig. 562) se soulève en marche sous la pression de l'huile, elle se ferme sous la pression d'un ressort quand le graisseur s'arrête ; elle sert à empêcher que le tuyau se vide de l'huile qu'il contient, ce tube doit toujours rester plein.

Le petit robinet de contrôle V permet de s'assurer du fonctionnement du graisseur. On l'ouvre à cet effet et on fait fonctionner le graisseur au moyen de la manivelle que l'on voit sur la figure 559. Il est d'ailleurs recommandé, à la prise de service, de faire fonctionner le graisseur à la main pour remplir d'huile toute la tuyauterie.

Soupape de retenue «Olva» pour graisseurs mécaniques. - L'huile de graissage, foulée sous pression par le graisseur mécanique, pénètre en A (fig. 563) et sort par B vers le cylindre à lubrifier.

L'ouverture 0 est plus ou moins découverte selon la position du pointeau P.

Le pointeau est solidaire d'un diaphragme (dessiné en noir) pressé par le ressort R.

Sous la pression de l'huile, le ressort R se comprime, le diaphragme se soulève, entraîne le pointeau qui démasque l'ouverture 0 du départ vers B. L'huile sous pression repousse la soupape s et sort par B.

Fig. 563. - Soupape de retenue «Olva».

S'il se produisait un retour de vapeur des cylindres au graisseur, cette vapeur s'y condenserait. Mais un retour de vapeur des cylindres est impossible pour deux raisons :

  1. dans les graisseurs mécaniques, le graissage se fait par foulées successives ; or, dans les moments où il n'y a pas de pression d'huile, le ressort R repousse le pointeau sur l'ouverture 0.
  2. la soupape s est refoulée de bas en haut sur son siège par le ressort r et, aussi, par la pression qui règne dans le cylindre.

La soupape d'arrêt étant bien étanche, il est dès lors inutile de tourner la manivelle du graisseur pour amorcer le graissage avant le commencement du parcours de la locomotive.

E. Introduction de l'huile dans le milieu à graisser.

Nous avons vu que l'huile livrée par les graisseurs à condensation est emportée, au départ du graisseur, par un courant de vapeur se dirigeant, par exemple, vers une chapelle de distribution. Afin de régulariser ce courant tout en soustrayant la capacité intérieure B (fig. 549, 532, 553, 555, 556) du graisseur aux variations de pression importantes qui se produisent dans les chapelles, le jet de vapeur chargé d'huile est obligé de traverser un orifice de petit diamètre ou diaphragme situé en S dans le graisseur Nathan (fig. 551). Dans le graisseur Détroit, la pièce formant diaphragme est placée à proximité de l'endroit à graisser ; elle comporte une soupape en acier (fig. 564) appliquée sur un siège conique, forée suivant son axe d'un trou 1 de 2 mm de diamètre et de deux trous transversaux 2 et 3 de même diamètre.

La vapeur chargée d'huile suit le trajet indiqué par les flèches et se rend par le trou transversal 3 vers le trou central, d'où elle s'écoule vers la chapelle.

Fig. 564

On remarquera que la construction de celte soupape est symétrique, elle est retournée et appliquée sur le siège opposé lorsque, par suite d'usure, le diamètre du trou de passage s'est agrandi au-delà de la limite admissible, soit 2 3/4 mm.

Le mode d'introduction de l'huile dans le milieu à graisser appelle certaines remarques. Il est de règle actuellement d'introduire l'huile au sein même de la vapeur, à son entrée dans la chapelle (fig. 565. Elle y pénètre par une broche creuse B, dont le détail est donné figures 566 et 567, terminée par une partie aplatie et présentant deux fentes longitudinales, formant en quelque sorte une grille.

La vapeur affluant en V des tuyaux de livrance vers les chapelles est animée d'une grande vitesse, ce qui permet en raison de la forme spéciale donnée à l'extrémité de la broche d'introduction de l'huile, d'amener celle-ci à un état de division extrême, de la pulvériser en quelque sorte.

Ces conditions de fonctionnement sont extrêmement favorables, elles réalisent la lubrification par la vapeur elle-même, elles permettent de ne graisser un cylindre à vapeur surchauffée qu'en un seul endroit, à l'entrée des chapelles, ce qui simplifie notablement la question du graissage.

Ce qui vient d'être exposé est relatif à la marche à modérateur ouvert ; à modérateur fermé, l'afflux de vapeur aux cylindres cesse, mais l'huile est cependant toujours véhiculée par la vapeur venant du graisseur à condensation. La lubrification reste donc toujours bien assurée, d'autant plus que la vapeur qui amène l'huile est alors saturée.

Fig. 565

Il convient ici de faire une nouvelle remarque. L'expérience a montré qu'une des principales causes d'altération de l'huile de graissage est sa carbonisation qui se produit à modérateur fermé, lorsque les gaz de la boîte à fumée pénètrent dans les cylindres qui sont à haute température. L'huile étant amenée du graisseur à condensation par un jet de vapeur, celui-ci s'oppose à la formation d'un vide dans la chapelle et par conséquent à la pénétration des gaz. L'huile est ainsi préservée dans une certaine mesure de la carbonisation.

Fig. 566 et 567

Si, comme on le fait actuellement, la machine est pourvue de reniflards à injection de vapeur, la préservation de l'huile contre la carbonisation n'en est que plus efficace.

Ce qui précède explique la préférence qui a été donnée aux graisseurs à condensation pour la lubrification des tiroirs et cylindres.

Lorsque le graissage de ces organes se fait au moyen de graisseurs mécaniques, il convient d'adopter des dispositions spéciales pour assurer le mélange intime de l'huile à la vapeur et pour la préserver de la carbonisation. C'est ce que réalise l’«atomiseur Olva».

Atomiseur Olva. - La soupape de retenue Olva (fig. 563) peut être combinée avec une injection de vapeur (fig. 568). L'ensemble porte alors le nom d'atomiseur.

Fig. 568. - Atomiseur Olva.

La vapeur entre suivant la flèche, traverse un filtre cylindrique comme le montrent les flèches multiples, passe ensuite par un gicleur et entraine finalement l'huile vers les cylindres en la pulvérisant.


QUATRIÈME PARTIE
L'ÉCHAPPEMENT